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La Fondation pour la Recherche Médicale récompense deux chercheurs de l’Université Toulouse III - Paul Sabatier

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  • Quels sont les enjeux de vos travaux ?

Jean-François Arnal : Au moment de la ménopause, l'arrêt de leur production d'œstrogènes entraîne chez les femmes des troubles multiples (bouffées de chaleur, troubles de l’humeur et du sommeil, troubles sexuels, douleurs articulaires,…) et accroît en même temps le risque d’ostéoporose, de diabète et de maladies cardiovasculaires. Pour pallier ces problèmes, des traitements hormonaux de substitution leur ont été proposés à partir des années 1970. Cependant, le rapport bénéfice/risque de ces traitements a été remis en cause en 2002 à la suite de l’étude américaine « Women Health Initiative » qui montrait un rapport bénéfice/risque défavorable en raison notamment d’une augmentation significative des risques de phlébites et de cancer du sein chez les femmes traitées. Comment sortir de cette impasse ? C’est tout l’objectif de nos travaux, qui consistent à  comprendre plus précisément les mécanismes d'action des œstrogènes, afin de développer de nouveaux traitements.

Bernard Payrastre : Avec les cancers, les thromboses sont une des premières causes de mortalité et de morbidité dans les pays développés. Infarctus du myocarde ou AVC, il s’agit à chaque fois de caillots qui bloquent les vaisseaux sanguins et provoquent des dégâts souvent irrémédiables dans les parties du corps qui ne sont dès lors plus irriguées. Certaines causes sont identifiées. Les patients ont des vaisseaux fragilisés souvent atteints de dépôts lipidiques, ou athérosclérose, qui peuvent se fissurer. Les plaquettes, censées arrêter les saignements en cas de blessure, vont alors s’agréger massivement comme pour cicatriser une plaie vasculaire. Mais, dans ce cas, leur forte activation va conduire à la formation d'un thrombus ou caillot qui peut occlure totalement le vaisseau. Nos recherches ont pour but de mieux comprendre les mécanismes moléculaires qui conduisent à la production et à l’activation des plaquettes afin de mettre à jour de nouvelles stratégies thérapeutiques pour prévenir les pathologies impliquant les plaquettes, en particulier les thromboses artérielles.


  • Quelles avancées vos recherches ont-elles permis ?

Jean-François Arnal : Notre but depuis plus de 15 ans est d’identifier des molécules ou des associations de molécules qui permettent d’induire le maximum d’effets bénéfiques et le minimum d’effets délétères. Cette démarche nous a permis d’ores et déjà de comprendre les mécanismes d’action de différents œstrogènes, en particulier un, produit par le foie du fœtus, l’estétrol, qui pourrait ne pas augmenter le risque de phlébite. Le laboratoire belge Mithra pourrait commercialiser un contraceptif utilisant l’estétrol d’ici trois ans. Afin d’éviter l’association œstrogène-progestatif qui est délétère dans le cancer du sein, une autre approche consiste à associer des œstrogènes à une molécule bloquant leur effet au niveau mammaire, afin de ne pas augmenter le risque de cancer de sein lorsqu’on traite les femmes ménopausées. Les laboratoires Pfizer ont mis au point cette association médicamenteuse, qui est commercialisée depuis deux ans aux Etats-Unis et depuis deux mois en France.

Bernard Payrastre : Les plaquettes sont produites au quotidien en très grand nombre par des cellules géantes situées dans notre moelle osseuse. La durée de vie des plaquettes n'excède pas une dizaine de jours, et elles circulent dans le sang au nombre de 150 000 à 400 000/mm3. Parallèlement à nos travaux sur les mécanismes de production des plaquettes, encore très mal connus, notre objectif est de mieux comprendre les processus d'activation plaquettaire afin d'empêcher la formation de caillots occlusifs dans les artères sans compromettre le rôle des plaquettes dans la prévention des hémorragies. Nous avons mis en évidence un enzyme qui joue un rôle clé dans la stabilisation du thrombus qui, lorsqu'il grossit, est soumis à un flux sanguin qui s’accroît dans l’espace encore libre du vaisseau. L'inhibition de cet enzyme, qui modifie une classe particulière de lipide, ou son invalidation dans un modèle de souris, entraine une dislocation du caillot dès lors qu'il est soumis à un flux sanguin très élevé, caractéristique des conditions pathologiques des thromboses artérielles. Ainsi, l'inhibition de cet enzyme permettrait d'éviter la formation d'un thrombus artériel occlusif tout en préservant le rôle des plaquettes dans la prévention des saignements et la cicatrisation des vaisseaux. Cet enzyme représente donc une cible antithrombotique potentielle de nouvelle génération. 

 
  • Impact du Prix

Jean-François Arnal : Ce prix de la Fondation pour la Recherche Médicale est une marque de reconnaissance de la part de nos pairs, qui va aussi permettre au laboratoire de financer un jeune chercheur pendant un an. La Fondation pour la Recherche Médicale a soutenu par le passé certains de nos projets et son action est cruciale non seulement pour notre équipe, mais pour beaucoup de laboratoires académiques, en particulier dans cette période de restriction budgétaire. Les autres financements du laboratoire viennent de subventions publiques d’Etat (Inserm et Université), mais aussi de contrats industriels. La stratégie que nous avons privilégiée est de proposer nos « services » (outils, modèles et connaissances) à des industriels qui développent ces œstrogènes, afin de mieux comprendre les mécanismes d’action de leurs médicaments, et in fine d’en optimiser le rapport bénéfice/risque. Nos deux partenaires sont belge et américain, et pas français… une facette de plus de la mondialisation !

Bernard Payrastre : Ce prix est un encouragement à poursuivre nos travaux. Il témoigne d’une attente de la population pour des stratégies thérapeutiques innovantes dans un contexte de vieillissement qui accroît le risque de pathologies thrombotiques. Les médicaments actuels ont permis des progrès mais ils augmentent le risque d’hémorragie et ne sont pas suffisamment efficaces chez tous les patients.
Dans une période budgétaire difficile, ce prix va par ailleurs nous aider à financer le développement de souris génétiquement modifiées, particulièrement coûteux. Notre équipe travaille principalement sur des sujets de recherche fondamentale financés par des fonds publics (Inserm, Université, ANR) actuellement orientés à la baisse, ainsi le soutien des associations caritatives et de la Fondation pour la Recherche Médicale en particulier est précieuse.

 
  • Pour aller plus loin
Le site internet de l’I2MC (Unité mixte de recherche Inserm / UT3 Paul Sabatier),
L’équipe  de Jean-François Arnal "Optimisation de la modulation du récepteur des œstrogènes en médecine"
L’équipe  de Bernard Payrastre "Production et fonctions plaquettaires, signalisation et phosphoinositides"
Le site internet de la Fondation pour la Recherche Médicale

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